ENTRETIEN. Nous rencontrons Monsieur Sylvain WASERMAN, Vice-Président de l’Assemblée Nationale et député de la majorité présidentielle du Bas-Rhin.

Confidences au long cours …la « Loi Waserman » sur les Lanceurs d’Alerte, la « Loi Waserman » sur l’engagement associatif , l’impossible réforme des Tribunaux de Commerce et de la justice commerciale, l’entrepreneuriat, l’instance de dialogue dite “Commission Waserman”, les associations, Strasbourg, la France, la coopération franco-allemande, l’Europe, la guerre en Ukraine, le climat … .Classé parmi les députés qui travaillent le plus.

Propos recueillis par

Jean-Christophe ROSSI

(JCR) : Bonjour Monsieur Waserman, merci de nous accorder l’honneur de cet entretien.

(JCR) : Pour initier cette interview, je vais vous poser l’incontournable question “Parlez-moi de vous” !

(SW) : Député du Bas-Rhin et Vice-président de l’Assemblée nationale mon parcours s’est construit autour de trois expériences : chef d’entreprise, élu local et bénévole associatif. Ingénieur télécom de formation, j’ai intégré l’École Nationale d’Administration en 2006. Par la suite, je suis devenu Directeur général d’une entreprise d’énergie à Strasbourg pendant 8 ans. Et d’un point de vue personnel, j’ai 54 ans, je suis marié, père de 2 enfants et partage mon temps entre Paris pour mes obligations politiques et Strasbourg dans le département du Bas-Rhin.

(JCR) : Vous évoquez l’action politique, pouvez-vous m’en dire plus ? 

(SW) : En parallèle, j’ai été élu en 2007 maire de Quatzenheim, commune alsacienne de 800 habitants. En 2015, élu au Conseil régional du Grand Est j’ai présidé la Commission du développement économique. (le Schéma Régional de Développement Économique, d’Innovation et d’Internationalisation). Pour élaborer ce plan, nous avons choisi une approche de co-construction avec les institutionnels (100 entretiens), les entreprises (300 entretiens) et les territoires (12 réunions territoriales). Il nous faut fédérer l’ensemble des acteurs, pour apporter une véritable valeur ajoutée au développement économique. Enfin, en 2017 j’ai été député MoDem au sein de la majorité présidentielle puis comme Vice-président de l’Assemblée nationale. 

Le 9 mai, j’étais au Parlement européen pour écouter le discours volontariste du Président Emmanuel Macron sur l’Europe. Parce qu’il m’a accordé sa confiance, j’ai donc annoncé le même jour ma candidature aux élections législatives pour les habitantes et les habitants de Strasbourg Sud et d’Illkirch-Graffenstaden.

(JCR) : Votre parcours personnel a -je le suppose- influencé vos actions en politique, pouvez-vous nous citer quelques exemples ?

(SW) : Oui, forcément, mes expériences et convictions ont nourri mes combats à l’Assemblée nationale. Durant mon mandat, j’ai ainsi porté avec force plusieurs sujets, qu’il s’agisse de la coopération franco-allemande, du renforcement de la protection des présidents bénévoles d’association ou encore celle des lanceurs d’alerte. Il s’agit d’ailleurs de deux sujets sur lesquels j’ai écrit et fait adopter deux lois (https://www.vie-publique.fr/loi/269371-loi-1er-juillet-2021-en-faveur-de-lengagement-associatif et https://www.vie-publique.fr/loi/282472-loi-21-mars-2022-waserman-protection-des-lanceurs-dalerte), après trois ans de travail.  

(JCR) : La Loi sur les lanceurs d’alerte était particulièrement attendue par notre société, disposez-vous de premiers retours quant à sa mise en œuvre et ses effets ?

(SW) : Le 17 novembre 2021, la proposition de loi pour une meilleure protections des lanceurs d’alerte, dont je suis l’auteur et le rapporteur, a été votée à l’unanimité par l’Assemblée nationale. Cette proposition est issue du travail de concertation que j’aime définir “à l’alsacienne”, c’est à dire selon ma méthode : beaucoup de travail, une écoute réelle et sincère ainsi que des propositions audacieuses mais justes et équilibrées ! La loi sera mise en oeuvre dans les 6 mois à compter de sa promulgation le 21 mars 2022. Les décrets d’application seront pris dans ce laps de temps et je veillerai si je suis réélu à ce qu’elle réponde bien aux enjeux de la protection des lanceurs d’alerte en France.

Le problème n’est plus de diffuser une alerte contrairement à il y a 20 ou 30 ans, quand il fallait trouver une rédaction ou un journaliste prêt à publier. La question qui se pose à nos démocraties modernes est quelles sont les conséquences et comment protège-t-on David contre Goliath.

(JCR) : Quelles ont été vos constats en matière économique et sur les entreprises en très grandes difficultés ?

(SW) : Les sujets économiques que j’ai pu identifier durant mon mandat portent principalement sur les questions de justice commerciale. En effet, sous l’angle des liquidations judiciaires, j’ai pu constater les drames humains que vivent beaucoup trop d’entrepreneurs qui vivent ces situations. L’association Aide Entreprise OSDEI et en particulier sa Présidente Madame Brigitte Vitale m’a fait part de cette détresse en particulier pour des personnes qui sont en procédure depuis plus de 10, 15 ou 30 ans. 

(JCR) : Cet échange avec Madame Brigitte Vitale, fondatrice du Guichet Unique 360, a permis je crois de créer une instance totalement nouvelle ?

(SW) : En effet, nous avons donc créé une instance de dialogue avec Aide Entreprise OSDEI et le Conseil national des administrateurs et mandataires judiciaires (CNAJMJ) pour examiner ces dossiers critiques. Cette instance n’a pas de pouvoir mais elle a deux objectifs : faire émerger du consensus à chaque fois que c’est possible et identifier les évolutions nécessaires dans la loi. Car les échanges constructifs que nous avons eu ont confirmé ma conviction que des évolutions législatives étaient nécessaires dans le domaine de la justice commerciale. 

(JCR) : Quels ont été les premiers résultats de cette instance de dialogue dite “Commission Waserman” ? Quelle suite logique ?

(SW) : Tout d’abord d’avoir pu faire avancer concrètement des dossiers qui étaient bloqués depuis plusieurs années en réinstallant un dialogue entre le mandataire et la personne en situation de liquidation judiciaire. Il n’y a eu de solution que par le consensus qui en l’occurrence est le seul à permettre d’aboutir. Ensuite d’avoir pu identifier plusieurs pistes d’évolutions tels que : 

• l’enjeu de former gratuitement par petits groupes les entrepreneurs qui entrent dans une procédure de liquidation, ces formations se feraient en lien avec les réseaux des CCI et des CMA et les Régions 
• la mise en place par le CNAJMJ d’un portail de communication dématérialisé concernant les procédures et décisions judiciaires 
• étendre la logique de la protection de la résidence principale actée par la loi Macron de 2015 dans les cas des SCI 
• Engager une réflexion sur la perte du bénéfice de sa créance lorsque le créancier ne peut plus être contacté 
• Lutter contre la longueur des procédures :préciser la définition d’actif potentiel qui représente un frein à la clôture des dossiers antérieurs à l’adoption de la loi Macron de 2015
• Faciliter la prise de parole devant le juge lors de l’audience par les personnes en procédure de liquidation.

Mais surtout, il est évident pour moi qu’une réforme en profondeur de la justice commerciale s’impose. 

(JCR) : Pourtant les textes de loi évoluent ?

(SW) : Bien sûr, ces dernières années, plusieurs progrès ont eu lieu dans ce domaine d’une part avec la loi du 7 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques et d’autre part avec la loi du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante, cependant ce n’est pas suffisant. 

(JCR) : Selon vous que doit prévoir le Législateur dans un futur proche ?

(SW) : Il est donc nécessaire, en s’appuyant notamment sur les points d’évolutions qui ont émergé de notre instance de dialogue, de réformer la justice commerciale. C’est l’ensemble du processus qu’il faut remettre sur la table, avec l’objectif absolu de réduire les durées des procédures pour qu’il ne puisse plus y avoir de procédures anormalement longues, qui sont autant d’années de souffrance pour les entrepreneurs dans cette situation. L’enjeu majeur est de ne plus condamner à vie un entrepreneur qui a échoué professionnellement, mais de lui donner un nouvel élan pour qu’il puisse continuer de développer la force économique de notre pays. C’est pourquoi, si je suis réélu député, je proposerai un rapport parlementaire sur la réforme de la justice commerciale, pour aboutir à un texte de loi qui, je l’espère, résoudra les problématiques majeures du droit actuel. 

(JCR) : Quels sont vos projets pour la suite de la “Commission Waserman” ?

(SW) : Si je fais partie de la prochaine législature, je proposerai un groupe de travail pour la refonte de la justice commerciale. Un rapport parlementaire, un groupe de travail et une proposition de loi comme j’ai pu le faire sur deux sujets lors de mon dernier mandat. Il faudra être patient, habile, convaincre, écouter, apprendre des exemples concrets mais aussi anticiper les risques potentiels. Le défi est de taille mais franchement, quand on voit la souffrance de tant de femmes et d’hommes en situation de procédures collectives d’une part, et le gâchis de talents qui pourraient reprendre leur parcours d’entrepreneur plus vite, on se dit que cela vaut la peine d’y consacrer le temps et l’énergie qu’il faudra.

(JCR) : Sans transition, et concernant le thème du climat qui inquiète tous les citoyens ?

(SW) : L’écologie de résultats, c’est l’approche que je développe depuis 5 ans, qui privilégie les résultats aux ressentis et les mesures chiffrées aux paroles.

Avec les habitantes et les habitants de Strasbourg-Sud et d’Illkirch-Graffenstaden, nous avons déjà obtenu des avancées concrètes dans plusieurs lois : sur la Ceinture verte de Strasbourg, sur l’obligation pour les collectivités de rendre compte de leur part d’achats éco-responsables ou sur le contrôle du trafic de camions Avenue du Rhin.

Mon projet est clair : lancer un groupe de travail avec des scientifiques de l’Université de Strasbourg (qui m’ont déjà donné leur accord) et des citoyens engagés. Ensemble, nous améliorerons la loi pour plus d’efficacité en matière de transition écologique.

 (JCR) : Je constate un vif soutien à travers ces témoignages concernant votre dernier mandat :

(JCR) : Et pour l’autre grande inquiétude : la guerre en Ukraine, quelle est votre position ?

(SW) : Il y a trois mois, en hémicycle tous les groupes politiques se sont exprimés avec force pour condamner l’invasion russe et la guerre en Ukraine. Quand la nouvelle est tombée, j’ai pensé à ces femmes, ces hommes et ces enfants qui, ce matin-là, se sont réveillés dans un pays en guerre. Nous devons être unis en Europe et aussi en France face à la folie froide et belliqueuse de Poutine.

Lors de la cérémonie d’investiture du Président de la République à l’Elysée, j’ai vécu un moment fort et marquant, que l’on ne vit que rarement : la cérémonie était sobre, les paroles fortes face aux trois défis dont celui de la guerre, outre à celles de l’urgence climatique et de la pandémie. Le Président a réaffirmé que la France prendrait toute sa part en Europe pour relever ces défis.

Il y un mois environ , j’ai écouté le témoignage poignant de la défenseure des droits ukrainienne Luidmyla Denisova et de l’ambassadeur ukrainien auprès du Conseil de l’Europe à la commission des affaires internationales de la région. Ils témoignaient de 161 enfants tués à date et plus de 240 à ce jour. Les investigations sont ouvertes aux instances internationales pour attester de l’horreur de ces crimes de guerre : des mines anti-personnelles interdites par les conventions internationales sont utilisées. Elles détruisent tout et brûlent tout dans un rayon d’une vingtaine de mètres. Des journalistes sont tués.

La traductrice, qui était en Ukraine, travaillait avec les vols d’avion au dessus de chez elle et les sirènes qui retentissaient, et durant cette visioconférence retransmise en direct, j’ai “remercié” les complotistes qui défendent Poutine à longueur de commentaires sur les réseaux sociaux en expliquant que tout cela est la faute de l’Otan ou de Biden ou de Macron et je leur ai demandé de “passer leur chemin”, car “franchement après ces témoignages, on n’a pas envie de lire ces commentaires lamentables”. Poutine devra répondre de l’horreur de cette guerre.

(JCR) : Monsieur Waserman, la coopération franco-allemande est autre un thème qui vous est cher…

(SW) : Le 12 mars se réunissait pour la première fois à Strasbourg le Comité franco-allemand de coopération transfrontalière (CCT). J’y ai présenté, en présence des deux ministres des affaires européennes Clément Beaune et Anna Lührmann les avancées du volet transfrontalier de la loi 3Ds, dont je suis à l’origine, pour lever des « irritants du quotidien » pour les habitants frontaliers. Le CCT a également adopté ma résolution pour faciliter les activités économiques des PME concernant les travailleurs détachés avec un vote de mon rapport à l’unanimité.

(JCR) : Vous avez écrit des ouvrages . Quels sont-ils ?

(SW) : Le “Monde d’Après” commence demain matin…: 40 propositions, en 2020 : le Nouveau Monde que l’on aurait voulu s’est heurté à des fractures sociales et démocratiques, et aux défis climatiques et européens. La crise du Covid-19 s’est imposée ; elle est venue balayer nos certitudes et nous inviter à imaginer le « Monde d’Après ». Et la guerre vient d’aggraver la situation mondiale.
Pour cela, il nous faut tirer les enseignements de cette crise, répondre aux tensions de notre société et être guidés par nos valeurs humanistes.

Chroniques du Perchoir – Pensées et confidences d’un vice-président de l’Assemblée nationale, en 2020 également : j’ai été nommé le 28 juin 2017. Depuis le “Perchoir”, j’ai été témoin de tant d’heures de débats de situations parfois ubuesques en passant par les incidents, voire les crises et je suis persuadé que la démocratie doit être réinventée. Ces “Chroniques du  perchoir” partent de ces événements pour déboucher sur une réflexion sur des sujets sociétaux comme la montée du RN, les Gilets jaunes,etc… mais également sur l’attentat de Strasbourg qui m’a touché de près.

Ce que le temps qui passe n’efface pas, en 2016. J’y raconte comment mon père a été sauvé d’une rafle à la suite d’une discussion animée entre deux policiers. La suite est romancée.

L’organisation relation clients, en novembre 2001, sur comment la relation client peut contribuer à la création de valeur. J’y proposais une méthode d’évaluation de l’organisation existante afin de distinguer les besoins particuliers à chaque type d’entreprise, sous forme d’un guide pratique 100% opérationnel pour mener à bien la mutation de la relation clients.

(JCR) : Et demain, au sens propre, Monsieur François Bayrou viendra vous soutenir. Monsieur Bruno Le Maire sera également présent ? ( Il est possible d’y participer en s’inscrivant https://forms.gle/cfPGNYWhw6JGR5X5A )

(SW) : Je suis très heureux en effet de confirmer que François Bayrou, Haut-commissaire au Plan et Président du Mouvement Démocrate, nous rejoindra, Rebecca Breitman et moi-même, sous notre tonnelle Place Henri Will à Strasbourg, ce mercredi 1er juin à 19h30 pour nous soutenir dans notre campagne !

Je vous invite à venir échanger sur les enjeux nationaux et européens sous le hashtag #Avecvous #legislatives2022

François Bayrou, président du MoDem, sera en milieu d’après-midi, aux côtés d’Hubert Ott, candidat dans la 2^e circonscription du Haut-Rhin, puis à Strasbourg, afin de d’apporter son soutien à Rebecca Breitman et à moi-même pour mon second mandat dans la 2^e circonscription du Bas-Rhin. Ce même jour, le ministre de l’économie et des finances Bruno Le Maire sera effectivement également en visite dans le Bas-Rhin.

(JCR) : Monsieur Waserman, je vous remercie au nom du JEDI MEDIA de nous avoir accordé cet échange et nous vous souhaitons pleine réussite pour le futur. Et je conclus en vous citant avec ces mots qui sonnent comme le vœu de tous les citoyens concernant leurs élus à quelques jours des législatives 2022 :

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Jean-Christophe ROSSI

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